Pourquoi j’ai abandonné mes études scientifiques? Une vraie introspection


Bah! Ce serait trop simple de dire que c’est parce que j’ai échoué ma dernière session de physique. Ou encore parce qu’on n’avait pas le droit de construire ni de lancer des fusées au Canada. ( C’est surtout de manipuler les explosifs et de construire des propulseurs qui est interdit.)

Je suis revenu de France ayant appris que, même là, les jeunes et les clubs ne pouvaient pas construire des propulseurs. Ils se contentaient de construire des pointes comme ils disent. Ce qu’ils faisaient et ce que nous avions fait c’était de construire des éléments de télémesure mécaniques ou électroniques de détection cinétique, atmosphérique etc. ou de commandes de l’engin.

En fait, nous commencions à développer des machines automatiques qu’on appelle ROBOTS dans les livres de science-fiction. Si j’avais travaillé sur la fusée Aldrin, je me rappelle aussi avoir travailler sur Amstrong. Cette dernière comportait un corps (tube) qui, fendu en 4, s’ouvrait au moment de la descente pour former un parachute rigide. C’était géré par une mécanique mais aussi par des détecteurs électroniques. J’avais travaillé à un accéléromètre mécanique mais lié à un amplificateur pour Aldrin. Une cache au bout d’un ressort suspendu à une masse masquait plus ou moins un module photo-électrique qui selon l’accélération recevait plus ou moins de lumière et émettait donc plus ou moins de courant. Le tout transmit au sol par un émetteur.

J’avais aimé le bricolage du bidule. J’avais suivi des cours d’électronique de base. J’ai travaillé dans un très beau laboratoire d’électronique qui m’a d’ailleurs inspiré pour mon propre laboratoire chez-moi plus tard. J’avais appris à transférer un plan électronique en un schéma de circuit imprimé et j’étais d’ailleurs très bon. J’avais même failli être électrocuté en allumant un oscilloscope parce que les militaires avaient bidouillé le gronde du laboratoire, durant la pause du dîner, sans nous en avertir. Mais il y avait dans tout cela beaucoup de calcul, et je trouvais cela très difficile. Je n’aimais pas beaucoup les maths pour quelqu’un qui avait un diplôme secondaire en science mathématique.

Moi j’avais fait et aimais faire des calculs de trajectoire, des calcul de force de moteurs, des calculs de pression, fabriquer et expérimenter les moteurs fusées. Expérimenter des réactifs liquides, mélanger des poudres, résoudre les problèmes de capillarité des tubes, des injecteurs, organiser des tests, des bancs d’essai, diminuer le poids et le volume de ce qu’on mettait dans l’engin, voilà ce que j’aimais faire : La plomberie de haut niveau!

Je me rappelle un commentaire qui m’est souvent revenu dans la tête : si c’est ça construire des fusées, ça m’intéresse plus (ça : l’électronique).

Quand, en descendant du 707 d’Air Canada, la GRC nous a réuni pour nous informer des lois canadienne sur les explosifs mettant bien l’accent sur l’interdit de construire et de lancer des fusées, je voyais dans ma tête l’anéantissement de mes rêves. La cerise sur le sundae était de me rappeler que notre premier ministre PET (Pierre Éliot Trudeau) avait peut-être légalisé l’homosexualité dans un bill omnibus, et mit le couvert pour le bilinguisme et le biculturalisme dans la fonction publique au Canada mais il avait aussi et surtout vendu (donné) à l’université du Vermont l’ensemble des travaux, recherches et engins spatiaux fabriqués, expérimentés et lancés par le Canada. Toute la recherche des laboratoires de Calgary en Alberta et les rampes de lancement du Fort Churchill sur la Baie d’Hudson au Manitoba partie dans le vent... en... en.

Je ne suis pas revenu au Lac-St-Jean tout de suite, je suis resté à Montréal pour me chercher du travail. Et réfléchir. Mon ami Claude, que j’avais connu en France, m’emmenait dans des magasins d’électronique et autres sortes de quincailleries utiles pour le genre de bricolage que nous faisions pour nos fusées et autres projets de science. Avec lui le goût de l’électronique m’est devenu plaisant. N’ayant pas trouver d’ouvrage, et étant un poids pour ma tante Marguerite où je demeurais, je suis rentré au Lac pour rentrer à l’école. Laquelle? je ne saurais le dire, je ne m’en rappelle plus. C’était à Champagnat, mais le Collège du Lac-St-Jean fondé en 70 m’accorde des crédit qu’à partir de janvier 70. L’automne 69 je faisais quoi? ...

Aujourd’hui, après avoir travaillé l’histoire du CSAR et mon curriculum, je pense que j’ai du rentrer dans un genre de dépression. Mais je me suis occupé du CSAR. Chez moi j’ai monté des expériences en haut-voltage à la faveur de 2 transformateurs d’une enseigne au néon que j’avais récupérés dans un dépotoir. J’ai fait des expériences sur les lasers et fait voyager l’électricité sur du verre. Abonné à une revue française d’électronique “Le Haut-Parleur”, j’ai fabriqué un petit moteur à micro-ondes qui fonctionnait sans être alimenté par le courant électrique, juste par des micro-ondes, avec du matériel ramené de Montréal. J’ai fabriqué un récepteur radio optique avec une diode photo-luminescente et un ampoule électrique sur courant domestique, et d’autres que je ne me rappelle pas. J’avais récupéré un testeur de lampe électronique, j’ai commencé à réparer des radios et télé à lampes. (on est en 1969).

Mes notes scolaires en baisse, ma mère m’a fait démissionner du CSAR. Je l’ai fait un jour spectaculaire, notre premier lâcher public de ballon-sonde. (Voir mon curriculum) J’avais organisé l’assemblée générale, trouvé un logo, préparé la charte, j’ai continué comme membre à préparer les expositions et autres activités, à aider à la revue Le Véga que j’avais aidé à faire naître. J’étais resté membre 4H.

À la fin de la session 71 j’avais échoué en physique. J’étais sonné, mais, étant donné les conditions spéciales, presque toute la classe avait échoué, je n’étais pas surpris. Mes parents m’ont amené avec mon frère travailler à Sept-Îles pour l’été. J’y resterai 14 mois. 14 mois pendant lesquels j’ai essayé de fabriquer une nacelle de ballon-sonde dans une coquille de Saturne V de 10 pieds de hauts avec une caméra à double objectifs pour faire du 3D. J’ai essayé de monter un club de science avec quelques étudiants, mais la Ville n’en voulait pas, la Commission Scolaire non plus, pas plus que la polyvalente ni le CEGEP régional de la Côte-Nord, campus Sept-Îles il y en a un à Baie-Comeau, c’est suffisant. J’ai démissionné de mon poste de conseiller à l’AJS (Association des Jeunes Scientifiques) et du CJS (Conseil des Jeunes Scientifiques).

Je m’étais mis à penser que je devrais probablement faire autre chose de ma vie. Au printemps, je fait un demande pour être admis en cinéma au Collège du Lac-St-Jean. Je me disais qu’à défaut de faire de la science, je pouvais faire des films de science-fiction. J’avais lu beaucoup de science fiction ces dernières années. Mais ça n’avait pas toujours été ça, au début je ne lisais que des livres de vulgarisation scientifique.

Pourquoi ai-je voulu devenir scientifique?

Ça a commencé très jeune. Né le 4 octobre 51 je me souviens de Pépinot comme les jeunes de mon âge qui avait la télévision au début des années 50. Mais je me souviens surtout du professeur Nartnon dans Opération mystère et de son robot Oscar, de la fumée blanche qui traînait toujours sur le sol du laboratoire. Arrivé en 52 au Canada, j’ai trouvé que CKRS, le premier poste captable au LAC est entré en onde le 1 décembre 1955, j’avais 4 ans et je commencerais l’école en septembre suivant dans une maison privée, chez Madame Lefebvre.

En deuxième année j’avais été frustré de ne pas être choisi pour être Enfant de Coeur ni pour faire parti des Croisés. Mais je me découvre une vocation de prêtre au petit catéchisme. J’aurais pu être couturier, ma mère qui cousait et tissait me donnait ses retailles qui me servait à habiller mes oursons et poupées. Je n’ai plus retrouvé ma caisse de vêtements après un voyage à Montréal durant l’été. Avec mes voisines je jouais au professeur, je l’ai finalement été en enseignant d’informatique de 1994 à 2003

En troisième année, le 1 février 58, les USA lancent explorer 1, leur premier satellite. Spoutnik 1 avait été lancé le 4 octobre 57, mon cadeau de 6 ans. Mon professeur Mlle. Fleurette Tremblay nous demande une composition. J’ai gagné le premier prix de composition avec une histoire où une fusée était tombé près de chez moi et j’avais récupéré les moteurs, attaché à mes pieds je m’envolais dans les airs etc. etc. etc. Bien évidemment j’ai été la tête de turc à la récréation et je n’ai plus eu d’amis à l’école avant mon secondaire.

En cinquième, on m’a attaché à un poteau parce, ce soir là, j’avais refusé de porter les sacs d’école de tous ceux qui demeuraient dans mon quartier, comme à l’habitude. Une voisine du petit bois m’a entendu crier quelques heures plus tard. Après l’intervention de ma mère je fus délivré de cette corvée, mais je ne me fis pas d’amis.

En sixième, mon professeur Paul Simard a monté la première bibliothèque scolaire que j’aie eue. Une soixantaine de livres peut-être? Le premier que je lis c’est l’histoire de Saint-François, les autres auront des thèmes scientifiques, une petite collection d’une dizaine de livres.

La septième année était consacrée à notre profession de foi. Surtout après janvier, des moines et des prêcheurs de toutes sortes. J’y connais ma première vraie bibliothèque, toute une classe. J’y lis des histoires d’aventures de garçons, d’animaux et de science. À la fin de l’année je me rebelle contre ma vocation, et je décide que je ne ferai pas mon classique, je serai un scientifique.

Mais c’est en 8ième générale (commercial) que je me retrouve alors que s’ouvre mon intérêt pour les sciences. Nous avons une vraie bibliothèque. Je lis des collections comme Jean-François astronome, de l'atome à l'étoile, pour comprendre l'astrophysique, histoire de la Science, la Science au XXème Siècle. En fait, j’ai découvert Pierre Rousseau auteur et vulgarisateur scientifique, je lirai tous ses livres, une centaine. Et il porte mon nom, je suis prédestiné. (Voir : “Pierre Rousseau vulgarisateur” sur Wikipédia). Je lis : la radio mais c’est très simple, la télévision en couleur, le transistor et plein d’autres d’Eugène Aisberg. Toute une série de Que sais-je. plein de livres sur la construction des télescopes, des fusées. Je lis tous les sujets scientifiques de l’Encyclopédie de la Jeunesse, et bien d’autres sujets. Je lis tout sur la course à la Lune. En somme je me fais un vrai bagage scientifique et technique. J’ai défais mon hôtel, et je cesse de faire semblant de dire la messe. Je me fais un petit laboratoire à la place. Mon prof de 7 et 8, André Gagnon, convainc ma mère de m’inscrire en 8ième science pour l’année suivante. Et c’est parti.

Je continuerai de lire ce genre de livre en y ajoutant la chimie, la physique, la biologie, l’atome. Ma mère m’achètera des collections scientifiques, des encyclopédies.

Lorsque mon professeur, Mme Painchaud, pose des questions auquel je suis le seul à répondre, je ne me fais plus prendre à part à la récréation. Je me fais des amis, enfin. J’ai trouvé le théorème de Pythagore tout seul.

En 9ième, on commence à faire de la chimie et de la physique. Chez un de mes amis on se crée un petit labo, mon premier club de science. En 10ième on commence à expérimenter des fusées.

J’avais fait fabriquer un objectif par un optométriste et acheté un oculaire chez un bijoutier et je construisit un télescope de 2 mètres de foyer avec monture équatoriale. En 11ième science mathématique, avec Germain Gaudreault nous commençons à faire des moteurs à fusées liquides (kérogène et peroxyde 90%) pour faire un engin pour l’Expo-Science. Nous gagnerons le 7ième prix au printemps 68.

Je me pense un vrai scientifique. Je veux devenir professeur de physique en recherche nucléaire, avoir une grande barbe et je veux étudier en Allemagne.

On crée le CSAR. Vous pouvez lire son histoire sur ce site.

En secondaire V et l’année suivante je lis tout ce qu’il y a à la bibliothèque sur l’atome, la bombe atomique, les accélérateurs de particules. Je lis aussi la vie de tous les saints et les grandes thèses de St-Jérôme, St-Augustin, Ste-Thérèse, St-Thomas, etc.

Où donc ça a mal tourné?

Je suis revenu sans aucun objectif professionnel de mon voyage en France, on m’a coupé l’herbe sous les pieds, comme qui dirait. Je ne suis pas le seul, en 1975, en animation et recherche culturelles, à l’UQAM, Claude Arsenault qui avait travaillé à l’AJS (Association des Jeunes Scientifiques) après son retour du stage en France n’est pas non plus en fac de science, il est en animation et recherche culturelle avec moi.

Je pense que les lâchers de ballons ont été un exutoire pour continuer de me sentir proche de ce que je chérissais, et surtout continuer à essayer de mettre en pratique toutes les connaissances que j’avais appris dans tous ces livres. Mais alors qu’on nous avait toujours dit qu’on pouvait tout, qu’on pouvait faire ce qu’on voulait dans la vie, je découvrais que ce n’était pas vrai, qu’on nous mentait. J’ai découvert qu’à chacun des millions d’étudiants Américains on disait qu’il pouvait être Président des USA. On leurs mentait. Il n’y en a eu que 10 depuis 1960. Malgré mon expérience en organisation, mes connaissances, je ne réussis qu’à trouver du travail manuel, routinier. À Sept-Iles, j’apprends à aller à la taverne pour remplir mes temps libres.

Je pense que j’ai découvert que la chance, être à la bonne place au bon moment, est plus importante que d’être qualifié pour faire ce qu’on veux dans la vie. Et surtout, il faut avoir de l’argent: principalement celui de la famille, des amis, des autres, ce que je n’ai jamais eu. On avait des livres en anglais en cours de physique malgré le fait qu’on en réclamait en français. Ça ne m’a pas aidé.

Pourquoi, malgré tout, n’ai-je pas continué en science?

Je me rappelle avoir pensé que ce n’était pas fait pour moi. Je me sentais défait et je n’ai toujours pas trouvé ce qui était fait pour moi. À partir de bien des petits écarts à sa trajectoire, ma fusée, la fusée Pierre Jacques a dévié et s’est écrasé dans le champ, ne lui restant plus qu’à crier, c’est sans doute pour cela que je me suis impliqué en politique au fil du temps. Je n’ai probablement jamais su où ma fusée devait atterrir. J’avais perdu tous mes guides avant d’avoir 18 ans en 69.

Pierre Jacques Rousseau


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